« Aujourd’hui la honte a changé de camp, la parole
des femmes a été entendue »
déclare l’asbl Observatoire
féministe des violences faites aux femmes (OFVFF) à l’occasion du
procès qui s’est tenu devant le Tribunal correctionnel de Bruxelles.
L’association s’est constituée partie civile aux côtés de Tatiana dont le
gynécologue a été condamné du chef de viol et d’attentat à la pudeur.
Comme l’expose
l’avocate de l’ASBL, Me Drita Dushaj, spécialiste des droits humains, l’OFVFF a pour la première fois défendu un
intérêt collectif, distinct de l’action
strictement personnelle de Tatiana, victime directe, et de l’intérêt général défendu par le
ministère public.
C’est la premières foi qu’une nouvelle
loi qui permet de faire valoir un intérêt collectif est appliquée dans le cadre
d’un procès pénal.
En effet, expose Me
Dushaj, « les faits de viol ou d’attentat à la pudeur, qui ont été
établis, ont non seulement causé un préjudice personnel à la victime directe du
médecin, mais également aux droits fondamentaux de toutes les femmes que
l’association s’est donnée pour objet social de défendre. En d’autres mots
encore, toutes les femmes sont préjudiciées quand un gynécologue commet des
faits tels que ceux qui sont reprochés au prévenu ».
Viviane Teitelbaum,
présidente de l’association OFVFF rappelle « qu’en Belgique neuf victimes sur dix de viols n'osent pas
porter plainte ou demander de l’aide, pour différentes raisons : parce que le
violeur est un proche, un collègue ou une personne qui a autorité sur
elles ; parce que la victime a peur de ne pas être entendue, d’être traitée de
menteuse comme dans cette affaire-ci, d'affronter seule la justice, de subir
des représailles ou d'être rejetée deson milieu familial ou social ; parce que,
injustice supplémentaire, c'est sur elle que retombe la honte ».
Chaque année, trop
de violeurs restent impunis. Face à cette situation intolérable, l’Observatoire Féministe des Violences Faites
aux Femmes s’est portée partie civile aux côtés de Tatiana pour l’aider et
aider les victimes à être entendues dans la dignité, et démontrer que les
droits fondamentaux de toute personne doivent être respectés, surtout au moment
où les plus vulnérables, réduites au silence, en ont le plus besoin.
Le médecin, et certainement le gynécologue
dans sa relation avec ses patientes se doit d’être à tout moment irréprochable.
Son intervention ne peut se fonder que sur une relation de totale confiance qui
seule permet à une femme de le faire entrer dans son univers, son intimité, sa
sexualité. Ce qui est exigé du praticien est une démarche empreinte de
déontologie, de conscience professionnelle, d’autant qu’il rencontre ses
patientes dans un état de totale dépendance, dévêtues au propre comme
au figuré, vulnérables, couchées devant un homme à qui elles ont confié leur
histoire, souvent à des moments cruciaux de leur vie.
Une situation inadmissible, aggravée par l’indifférence de l’Ordre des
Médecins.
Nous sommes en 2021. Alors que la Belgique a ratifié la Convention
d’Istanbul sur la violence faite aux femmes, on ne peut accepter l’impunité de
ces actes. « Le viol
est un acte de domination, d'affirmation, de pouvoir et de contrôle. Le
responsable, c'est l'agresseur. Si l’agresseur est le médecin, c’est inqualifiable »
explique la présidente de l’OFVFF.
À l’époque de #MeToo, #TimesUp, #NiUnaMenos, #BalanceTonPorc, et d’autres
mouvements en ligne, les victimes de violences s’expriment haut et fort, comme
jamais elles ne l’ont fait auparavant.
« Aujourd’hui la parole de
Tatiana, la parole des femmes, a été entendue. Aujourd’hui, nous avons assisté à une
première judiciaire, car il n’y a encore aucune jurisprudence connue fondée sur
l’article 17, alinéa 2, nouveau, du Code judiciaire qui défend l’intérêt collectif.
Aujourd’hui la honte a changé de camp », conclut Viviane Teitelbaum.